Stéphane Barras, docteur es putting > Par Lionel Vella FFG
Par Lionel Vella correspondant a la Fédération Français de Golf
Spécialiste du putting, auteur d’une étude en 2012 sur le sujet, le Suisse, basé à Dubaï, accompagne sur les différents Circuits certains golfeurs professionnels. Parmi eux, Raphaël Jacquelin et Céline Herbin.
« Stéphane, il sourit tout le temps. On a l’impression qu’il n’est jamais stressé. Rien ne semble l’énerver. Il est toujours de bonne humeur. Il me détend et m’apporte une certaine zénitude sur le putting-green. » Ainsi parle Raphaël Jacquelin, le vétéran (44 ans le 8 mai prochain) du clan tricolore sur le Circuit européen cette saison, l’un des élèves les plus assidus de Stéphane Barras depuis avril 2015.
Né en Suisse en 1963 à Crans-Montana, dans les montagnes du Valais, Stéphane Barras devient professeur de golf et de ski en 1983. Il part ensuite s’installer en 2006 dans les Emirats arabes unis, supervise en tant que consultant la construction du Dôme de Dubaï, cette piste de ski indoor unique en son genre, avant de contribuer à l’essor du golf en Chine. Là-bas, il endosse le rôle de coach du meilleur golfeur chinois du moment, Zhang Lian Wei, vainqueur en 2003 sur l’European Tour. Ensemble, ils gagnent sur le Circuit national chinois, notamment le PGA Championship.
Révolutionner le putting
« C’est lui qui m’a ouvert les yeux sur le putting, souffle le Valaisan. Quand il m’a engagé en 2009, tout le monde disait qu’il puttait mal alors que moi, je trouvais qu’il était plutôt bon dans ce secteur. Il y avait un écart certain entre ce que les gens ressentaient et ce que moi je voyais. Pourquoi les gens disaient qu’il puttait mal ? Parce qu’il était très souvent au-delà de six pieds (1,80 mètres) du trou. Statistiquement, quand tu es au-delà de cette distance, les ratios de probabilités de rentrer la balle sont en-dessous de 50 %. »
C’est à cette époque que germe dans l’esprit bouillonnant du coach l’idée de révolutionner l’approche que l’on se fait du putting, le secteur de jeu le plus important chez les pros. Là où se gagne mais où se perd aussi un tournoi de golf. En 2012, les résultats de ses recherches sont publiés dans l’International Journal of Golf Sciences avant d’être présentés au Congrès international du golf à Phoenix (Arizona).
Un « cobaye » vainqueur du British Open
« Cette étude, qui a pris six mois de travail intense, a notamment mis en exergue les notions de distance de putt : court, moyen et long, poursuit-il. Dans l’histoire du golf, et c’est ça qui est étrange, ces notions n’avaient jamais été définies avec précision. Chaque golfeur avait sa propre interprétation de ce qu’est un putt court, moyen ou long. Durant mes travaux, j’ai questionné toute la planète golf. Les meilleurs golfeurs, les meilleurs putters, les meilleurs coaches. J’ai compilé toutes les réponses, du débutant au n°1 mondial qui était à l’époque l’Anglais Luke Donald. Et j’en ai fait un consensus. Celui-ci a défini que les distances pour les trois zones sont les suivantes : Court, 2 à 6 pieds (60 cms à 1,80 m) ; Moyen, 6 à 18 pieds (1,80 m à 5,50 m) ; Long, au-delà de 18 pieds. A ces trois distances, il faut aussi y rajouter le tap-in comme disent les Anglais (de 0 à 2 pieds). »
A partir de 2012, il effectue des tests grandeurs natures auprès de la profession. Todd Hamilton, vainqueur du British Open 2004, est l’un de ses « cobayes ». Il travaille un temps avec Karine Icher. La Française du LPGA Tour récolte rapidement les fruits de cette collaboration en prenant la 3e place du Mobile Bay LPGA Classic fin avril 2012.
En 2014, nouvelle étape importante, la création du logiciel « CaddiePlayer ».
L’interface entre le caddie et le joueur
« Le Caddie a un rôle très important pour aider le joueur sur le green, ajoute-t-il. Le joueur, sur le green, est souvent dans le doute. Quelle direction prendre ? Quelle force utiliser ? Le Caddie est là pour le rassurer. Le logiciel calcule le taux de réussite sur le green et met en parallèle le schéma des putts courts, moyens ou longs. Dans l’idéal, le caddie doit rappeler au joueur dans quelle zone sa balle se trouve. Moi, je suis l’interface entre le caddie et le joueur. Le caddie entre dans le logiciel les distances de chaque putt et moi je fais la synthèse de tout ça avec le nombre de balles dans telle ou telle zone. Ensuite, je donne ça au joueur qui établit les exercices en rapport aux données sorties. »
« Mes stats ont été assez vite meilleures, confirme Raphaël Jacquelin (cf. le rapport des deux premiers tours à Abu Dhabi en janvier 2018). On sait que le putting, plus on y passe du temps, mieux c’est. Hormis de me donner des statistiques sur mon putting, le fait de me mettre des exercices en place, qui changent de ce que l’on peut faire habituellement, c’est enrichissant. Une séance de putting type, c’est 1h30 à chaque fois. Tous les jours, ça bonifie ton secteur de jeu. Tu es meilleur. Les exercices sont ludiques. J’ai tout de suite bien aimé travailler la vitesse avec des zones pour amener la balle. Il n’y a rien de compliqué. Et je prends plus de plaisir qu’avant. »
Un surplus d’oxygène
Comme Karine Icher, les résultats ne se sont pas fait attendre pour le Lyonnais. En juillet 2015, quatre mois après le début de leur travail en commun, il termine deuxième du Scottish Open, empoche le plus gros chèque de sa carrière (390 000 euros) et se qualifie pour l’Open britannique à St Andrews. Séduit, il en parle à Grégory Havret qui démarre un an plus tard une collaboration avec le Suisse.
« Très vite, Greg Havret a sauvé sa carte, souligne Stéphane Barras. En 2017, il s’est retrouvé plusieurs fois en tête d’un tournoi. On a bossé un an et demi ensemble. Mon premier client « CaddiePlayer » a été l’Argentin Emiliano Grillo. Deux semaines après le début de notre collaboration, il a signé ses meilleurs résultats sur l’European Tour (44e de la Race). Avant de partir tenter sa chance sur le Circuit américain. J’ai aussi travaillé avec la Suédoise Camilla Lennarth, joueuse du Ladies European Tour. En fait, ce système ouvre tout d’un coup l’esprit et vous apporte comme un surplus d’oxygène inattendu. Regardez Céline Herbin, qui est l’une de mes trois « clientes » avec le Sud-Africain Richard Sterne. Elle a démarré en juillet 2017 et elle a enchaîné les bons résultats. Elle a ainsi perdu en playoff à Dubaï en décembre sur le LET avant de conserver son droit de jeu sur le LPGA Tour lors des Cartes en Floride. L’avantage de ce système, c’est que tu as très vite de bons résultats. Mais il faut être ouvert à cette nouveauté. »
L’objectif avoué du Suisse qui possède également un centre d’entraînement « CaddiePlayer » au golf de Chailly, en Bourgogne, est de gagner maintenant un tournoi avec l’un de ses protégés. Pourquoi pas avec Céline Herbin, qu’il accompagnera aux Etats-Unis lors des trois prochaines semaines. Et travailler avec d’autres golfeurs français ?
« J’en serais ravi, conclut-il dans un large sourire. Qu’ils me contactent ! »
Stéphane Barras avec Dave Pelz au Congrés Mondial des Science du Golf 2012